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(31/07/2021) AAA – Revue Semen: Territoires et discours du transfrontalier: Entre réalités du terrain et rhétoriques institutionnelles

Différentes disciplines se sont confrontées à la notion de territoire transfrontalier. La géographie (Moine 2017) pour étudier sa configuration physique spécifique, la littérature (Martinière & Le Ménahèze 2003) plutôt intéressée à la mise en récit des espaces transfrontaliers, l’histoire (Lopez 1993) pour souligner son rôle de division mais aussi d’échange. Des sciences politiques à la philosophie (Tassin 2018) en passant par le droit (RIPC 1995), cette notion montre encore aujourd’hui toute sa pertinence dans d’autres domaines comme les sciences de la communication (Les Cahiers du Lerass 1992 ; Koukoutsaki-Monnier 2011 & 2014 ; Hermand 2016) et la coopération transfrontalière (Marcori & Thoin 2011).

Ce numéro de Semen voudrait identifier et faire émerger les spécificités communicationnelles et informationnelles des territoires transfrontaliers à travers les discours institutionnels, ainsi que ceux produits par des acteur.rice.s sociaux.ales (associations, groupes informels, initiatives locales). D’un côté, l’intérêt est de mettre en évidence la mise en récit du territoire transfrontalier par des institutions, leurs prises de parole dans l’espace public, leurs allocutions, les formulations linguistiques employées, leurs rituels politiques (Bilat & Leblanc 2018). De l’autre, il s’agit de mettre en lumière les arguments, les actes, les productions discursives des acteur.rice.s sociaux.ales engagé.e.s et impliqué.e.s directement dans ces territoires. Existe-t-il des différences, des contradictions voire des conflits entre les discours en circulation dans le milieu transfrontalier ? Faut-il plutôt considérer qu’il s’agit d’approches multiples, peut-être croisées, du territoire transfrontalier ?

Si la notion de discours est envisagée selon les prémisses sémiotiques comme « ce qui est mis en place par l’énonciation » (Greimas 1993 : 104) et dont la cohérence interne et l’unité sont étudiées à partir des règles de fonctionnement sous-jacentes spécifiques (Courtès 2005 : 5 & 1991 : 64), des contributions sur la rhétorique dans l’argumentation (Amossy 2021 ; Perelman 2000 ; Doury 2016 ; Plantin 2016 ; Kerbrat-Orecchioni 2002) pourraient ouvrir des pistes complémentaires pour une approche en analyse du discours (Pêcheux 1990 ; Maingueneau 2012) de l’énonciation institutionnelle du transfrontalier (Considère & Perrin 2017).

Cette livraison de la revue Semen souhaite explorer non seulement la dimension linguistique mais également les aspects multimodaux (qu’ils soient visuels, sonores, scripto-visuels, gestuels) des discours produits. Dans cette optique, le transfrontalier se constitue lui-même en ensemble signifiant (Greimas 1966 : 10). Les discours peuvent être envisagés sous leur

aspect figuratif et impersonnel (Bertrand 1993 & 2000), sous leur aspect énonciatif (Colas- Blaise 2010) en tant que liés à leurs contextes et à leurs usages dans l’espace public. Comme le soutient Fillol (1999 : 41) « [l]es travaux sémiotiques sur la praxis énonciative permettent de rétablir une certaine dimension sociale dans la production et l’interprétation du sens », aspect essentiel pour étudier la « circulation des possibles discursifs » (Wagener 2016 : 95). Quant à la thématique du transfrontalier au sein de la revue Semen, elle est également attentive au dialogue entre Sciences du langage et Sciences de l’information et de la communication (Semen n°23, 2007) ; les contributions traitant de l’interface disciplinaire pour penser les discours du transfrontalier seraient bienvenues.

Dans cette problématique du « comment est énoncé le transfrontalier », il serait intéressant de questionner la réflexivité : comment les institutions transfrontalières et les acteur.rice.s socio-culturel.le.s s’approprient-ils et elles la notion de transfrontalier d’une part pour construire leur discours, d’autre part pour construire leur fonction et leur métier dans les réalités variables du terrain ? Quelles significations sont-elles attribuées ? Si « tout un récit de mise en commun est construit par les initiateurs des institutions de coopération transfrontalière » (Hamman 2005 : 103), est-ce que les discours en témoignent ? Enfin, peut- on enrichir la notion de transfrontalier à la lumière de discours qui lui sont consacrés, aujourd’hui, et à l’épreuve des exemples du terrain ?

La réalité européenne est peut-être la plus médiatisée en matière de réalités transfrontalières. Dans l’histoire de l’Europe, différents programmes se sont succédé : les Fonds Européens de Développement Régional (FEDER), suivis en 1991 par le programme européen (INTEREG) et par les Groupements Européens de Coopération Territoriale (GECT) en 2008, jusqu’à la stratégie de la Conférence franco-germano-suisse du Rhin Supérieur pour 2030. Cette dimension territoriale vaste et relativement « homogène », gagnerait aussi à être questionnée par d’autres réalités transfrontalières internationales : de l’exemple plus connu de la frontière mexicaine à d’autres exemples contemporains moins explorés. Peut-on parler de l’émergence d’une valeur du transfrontalier autant présente en tant que spécificité économique et territoriale dans les discours institutionnels et existant sous forme de demande identitaire, ou au contraire de métissage pour les acteur.rice.s sociaux.ales ?

Concrètement, pourront être abordés les discours provenant du monde politique (lois, initiatives de financement, décisions régionales et européennes) comme les discours des promoteurs politiques de la coopération transfrontalière, les initiatives des différentes instances décisionnelles et leur impact sur le territoire, etc. Les déclarations prononcées par les institutions publiques (régionales ou nationales) comme les entités territoriales, associatives et environnementales, par exemple, pourront aussi faire l’objet d’une étude pour révéler leurs spécificités discursives. Enfin, le monde culturel sous ses formes les plus diverses (musées, friches artistiques, projets de création) est aussi un domaine d’exploration possible qui fait dialoguer des mises en scène institutionnelles (prises de parole, discours artistiques et d’exposition) avec les pratiques d’appropriation citoyennes.

L’approche par les différents supports médiatiques et dispositifs numériques est également bienvenue : des nouvelles interfaces sur les réseaux sociaux aux plateformes de discussion en ligne, des supports de communication externe (flyers, pliables, brochures) aux enregistrements oraux ou télévisuels (émissions, reportages).

Modalités de soumission

Les propositions d’articles (une page environ, références bibliographiques comprises) sont à envoyer jusqu’au 31 juillet 2021 aux deux adresses suivantes nanta.novello-paglianti@u-bourgogne.fr et eleni.mitropoulou@uha.fr

Échéancier

Lancement de l’appel : 15 mai 2021
Envoi des propositions (résumé court) aux coordinatrices : 31 juillet 2021
Retour sur les propositions : 27 août 2021
L’acceptation des propositions ne vaut pas acceptation des articles qui seront soumis à évaluation anonyme.
Envoi des articles : 10 octobre 2021
Retour des évaluations sur les articles : 10 janvier 2022
Remise des articles définitifs après navettes : 31 mars 2022
Parution : automne 2022